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Ralentir.

J’ai toujours fait partie de ceux et celles qui courent. La catégorie des « speed ». La catégorie qui n’a pas de limites, sinon le temps. La catégorie qui doit faire, produire, se dépêcher, se presser, ne jamais attendre.

Mais si je ne quitterai probablement jamais vraiment cette catégorie, j’ai décidé de mettre un pied de l’autre côté : la lenteur. Parce que, dans ma vie il y a eu des petites choses, des événements souvent insignifiants qui ont dérangé mes croyances, m’ont gentiment demandé de réviser ma manière de vivre et de faire.

Des moments coupés. Des moments volés. Des moments dans l’air.

Tout est là, en dessous des étoiles.

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Il est 16h25. La Casa de la Iguana s’éveille doucement. Victor se pointe, la patte trainante, l’air ailleurs. Sur sa tête, un chapeau rond, noir, luisant. Rigolo ce chapeau. A ses pieds, de vieilles savates qui ont sûrement trop foulé le sol brûlant des rues de Livingston. Dans ses mains, son vieux Djembé, abîmé et sublimé par le temps. Il ne le quitte jamais et aime nous jouer quelques morceaux teintés de notes africaines, de sonorités espagnoles. À chaque fois, nous entrons dans la dance, dodelinons de la tête et sourions devant ses impros de rap.

Puta, la chienne, se transporte de la piscine au bar, du bar à la piscine. Toujours, elle semble accablée, j’imagine que les puces qui la rongent la fatigue. La chaleur aussi, peut-être.

C’est l’une de ces journées doucement couvertes, les nuages masquent le ciel bleu profond et le vent se lève, prenant son temps. J’aime cette atmosphère qui annonce des pluies et des orages, des odeurs tropicales, des scènes dramatiques. Quelques degrés disparaissent au passage, tant mieux, peut-être que cette fichue transpiration qui ne cesse de dégouliner, laissant des tâches chiantes sur mes t-shirts, cessera enfin.

Tout est lent, ici. Les uns se prélassent dans les hamacs qui sentent l’humidité, les autres sont partis chercher un délicieux banana bread que vend ce gros monsieur aux gestes étonnement délicats. Il y a aussi ceux qui écrivent des nouvelles parce que pourquoi pas après tout, ceux qui dorment, ceux qui se baignent dans la piscine pourrie en forme de bateau, ceux qui rêvassent le nez dans l’air, ceux qui bronzent le corps huileux, ceux qui roulent et fument de la mota.

Le chat dort.

Wilson regarde des vidéos, affalé sur le canapé qui n’en est pas vraiment un.

Les crabes se cachent dans des trous. Des crabes énormes. Moi qui pensais qu’il n’y avait des crabes que sur le sable.

Parfois, on va voir ce qui se passe autour mais pas très souvent parce qu’il ne se passe pas beaucoup de choses autour et surtout parce qu’on est si bien ici. La chaleur est une excellente excuse à la flemme.

Tout le monde est heureux. Personne ne me l’a dit mais je le sais. Moi, je fais mes activités, ne me souciant de pas grand-chose. Moi aussi je suis heureuse.

C’est Jamie XX dans mes oreilles.

Le rythme de la casa de la Iguana est si parfait. On existe vraiment ici.

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Je reverrai toujours mon père fendre la foule, tel l’éclair qui s’écrase sur le sol. Je devais courir pour le suivre, m’accrochant à sa main, riant et tentant d’améliorer mon rythme à chaque promenade.

Je voulais faire tout pareil que lui, marcher aussi vite, m’envoler, l’air décidé, avec des enjambées spectaculaires. Je n’ai pas vraiment eu besoin de me forcer, je ne le savais pas encore mais, comme mon père, la rapidité chez moi, c’était inné. C’est comme ça, j’ai toujours été une rapide.

Je mange vite. Je parle vite. Je range vite. Je marche vite. Je cours vite. Je me douche vite. Je travaille vite. Et j’avoue, je suis plutôt fière de ça. Tout doit rouler, être cadré, correspondre à ma vision de la perfection. Pas question que ça traîne. Je n’aime pas attendre, les gens en retard m’exaspèrent, les gens lents également. La lenteur m’effraie, m’empêche de satisfaire mon besoin de contrôle, ce besoin qui me sécurise tant.

Bien entendu, qui dit rapidité, dit stress, anxiété et impatience. Je me créée des frustrations, des attentes inutiles. Parce que tout le monde ne vit pas à ce rythme et ne trouve donc pas les réponses que j’espère. Aussi parce qu’en étant constamment dans l’accélération, mon coeur bat plus vite, mes ongles se rongent, je palpite. Oui, c’est bien ça : le stress et l’angoisse. Je vis à travers mes attentes et n’accepte pas les sorties de route. Cercle vicieux.

Et puis des personnes sont arrivées dans ma vie, d’autres étaient là depuis toujours et, sans forcément le vouloir, elles m’ont enseigné la beauté de la lenteur, la joie et la douceur que cette dernière pouvait apporter. Elles m’ont montré que marcher lentement, le regard posé sur les merveilleuses petites choses du quotidien, pouvait être incroyable. Qu’être en retard, ça n’était pas si grave, au contraire. Que réaliser une tâche en prenant son temps et en pleine conscience apportait tellement de choses. Que manger lentement, c’était quand même mieux pour son corps. Que moins contrôler, faire confiance et lâcher prise était un exceptionnel outil de relaxation. Que de courir tout le temps et en tous lieux aidait rarement. Que la patience ne pouvait que supprimer des souffrances inutiles, celles que l’on se crée tout seul, comme des grands.

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En Janvier, je me suis mise au yoga. Il y a quelques années, quand je vivais encore à Paris, ma copine Marine m’avait traînée à un cours et je n’avais franchement pas accroché. A l’époque je faisais de la boxe et le seul truc dont j’avais besoin, c’était me défouler, taper, crier. J’ai donc laissé cette activité de côté me persuadant que non, ça n’était pas pour moi. Et puis soudain, à un moment particulier du voyage, avec la bonne personne, la bonne énergie, le yoga s’est imposé à moi comme une évidence. Un nouveau monde s’ouvrait. Depuis, ça ne me quitte plus et je me surprends toujours à tant apprécier une activité qui demande autant de patience, de détermination et d’acceptation. Moi qui pensais ne rien avoir de tout ça. Se poser, trouver l’équilibre, connecter son corps et son esprit, prendre le temps, apprendre à respirer et à faire le vide. J’en ai tant besoin. J’imagine que nous en avons tous besoin.

À cela est venue s’ajouter une retraite de méditation qui a changé tellement de choses. Et pourtant, en réécrivant ce paragraphe aujourd’hui, un mardi de plein confinement, je réalise que ces derniers temps, j’ai trop mis cette pratique à côté de ma vie. Alors j’imagine que c’est le moment idéal pour me reconnecter, me rappeler ce que j’ai appris, ce que j’ai écris, ce que j’ai ressenti. Le temps n’est qu’une illusion, il est essentiel d’écouter son corps, apprendre à observer, à être le témoin de nos sensations et émotions. Ne pas identifier ses pensées à son mental. Ne pas avoir d’attentes, positives comme négatives. Observer, encore. Être dans le moment. Accepter la réalité comme elle est. Accepter la réalité comme elle est. Accepter la réalité comme elle est.

Tout cela requière évidemment… Du temps. Et beaucoup, beaucoup de patience.

Le relire, le réécrire, encore et encore.

Nous avons tellement de temps. Pour une fois.

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Je me souviens de cette journée folle où j’étais un peu en retard dans l’envoi d’un fichier à un client. En réaction, ce dernier m’avait juste envoyé une série d’emails avec aucun corps de mail mais des uniques et clairs objets « 11h21, toujours rien » « 11h22, toujours rien » etc. Je ne sais plus si j’avais ri ou pleuré mais je revois mes mains trembler si fort. Hormis ce manque total de respect, je me demande encore comment cette course contre la montre a pris le pas sur tout le reste, écrasant sur son passage bienveillance, tolérance, intégrité et politesse.

Tic-tac. Tic-tac.

Dépêche-toi.

Finalement, ce client avait bien résumé le monde cruel de l’entreprise. Se dépêcher, respecter les deadlines, voilà ce qu’on nous répétait en boucle. La productivité est la reine suprême, que ceux qui ne la suivent pas correctement resteront sur la touche. Amen.

J’imagine que ça n’est pas la même chose partout mais moi c’est ce que j’ai toujours vu et vécu. Au quotidien. Des délais impossibles à tenir générant une quantité de stress ingérable, de la colère, de l’incompréhension, des employés à bout qui vont s’effondrer dans les toilettes, des ongles rongés au sang, des coups de fil à 23h ponctués de noms d’oiseaux, des emails qui donnent envie de tout casser, des personnes humaines qui deviennent cruelles, des coups de pression insupportables… Merde. Faire toujours plus, avec toujours moins de temps, quitte à oublier le principal : l’humain. J’ai vu tellement de personnes s’écrouler. Littéralement. Peu importe, la fin justifie les moyens, les projets stressés créeront du profit, du bénéfice, de la marge, de l’argent, des clients, des promesses. Ces mots se sont tellement promenés dans ma tête. Il n’y pas de temps à perdre : « le temps, c’est de l’argent », n’est-ce pas ?

S’il me semble important de se fixer des objectifs et des dates, n’existerait-il pas des manières plus douces, plus lentes de les respecter ? Ne pas systématiquement ruer dans les brancards parce que les choses ont du retard. Se donner plus de temps pour réfléchir, donner plus de temps aux autres afin de déléguer, enseigner, expliquer. Offrir une chance à ceux qui travaillent différemment au lieu de les pressuriser. Faire moins, dans plus de temps. Organiser le temps différemment, de ne pas tout mélanger : s’activer et se précipiter sont deux choses bien distinctes qui ne proposent pas les mêmes conséquences.

Et peut-être que prendre conscience que ce rythme n’est pas l’unique norme (même s’il peut être positif pour certains), n’est pas forcément celui qui nous fait avancer dans le bon sens, c’est déjà mettre un pied dans la lenteur. Mais ces prises de conscience ne peuvent avoir lieu si l’on ne décide pas de s’arrêter, de vraiment s’arrêter, ne serait-ce que quelques heures.

Ce constant besoin d’accélérer NE PEUT PAS apporter un profond bien-être, une paix intérieure, j’en suis persuadée. Qui aime le stress, les burnouts, les insomnies, les angoisses, les projets mal faits, le cœur qui fait mal ?

Je me suis promis de ne plus jamais revivre cette cadence infernale.

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« Mais du coup, tu branles jamais rien, tu fais que chiller ? » m’a demandé mon ami. Le ton n’était pas accusateur ; curieux peut-être.

La question m’a donné matière à réfléchir.

Il est vrai je ne passe pas toutes mes journées à grimper des volcans, visiter des églises hors d’âge, sortir dans des bars locaux et rencontrer des gens aux personnalités passionnantes, travailler dans des hostels des fermes des restaurants, faire de la plongée, randonner ou toute autre activité passionnante.

J’ai rencontré des voyageurs qui font tout ça, qui ne s’arrêtent jamais et accumulent activités et expériences. Je ne juge pas ni rien mais disons que ça n’est pas le mode de voyage que j’ai choisi. C’est marrant comme certaines personnes, en voyage court ou long terme, reproduisent exactement le même schéma que leur vie de sédentaire. Encore une fois, ça n’est pas une critique. Mais moi, je n’avais envie d’être fatiguée de découvrir. Pas envie d’être fatiguée tout court d’ailleurs.  Pas envie de courir parce que merde, je suis partie pour ça : arrêter de courir. Ralentir, être libre, lâcher prise. Découvrir quelque chose de nouveau, un nouveau mode de vie.

Quelques mois avant de partir, j’ai réalisé que je n’avais absolument pas le temps de me poser ni de réfléchir à ce que je voulais vraiment. Je ne me connaissais pas. J’agissais selon un modèle, me laissant annihiler par une vie conventionnelle, une vie bien tranquille qui me permettait de me voiler la face. Je me cachais derrière des phrases bidon « bah faut bien gagner un salaire » « que veux-tu que je fasse d’autre ? ». Et hop, je retournais à mes activités.

Hormis le boulot, ma vie à Paris n’était parfois qu’un remplissage de blancs. Bien sûr que j’adorais boire des bières avec les copains, faire genre je suis intello je vais au musée, aller au ciné et ne pas manger de pop-corn car c’est trop cher, passer des dimanches pluvieux sous la couette, vivre des week-ends délicieux chez mes parents. Bien sûr que j’adorais ça. Mais je ne laissais aucune place au vide. Tout devait être parfaitement comblé. Et si par malheur ce petit vide s’installait par mégarde, c’était la cata. J’appelais tout mon répertoire, je cherchais un nouveau film à aller voir, un truc à faire. Vite, vite, il fallait FAIRE quelque chose.

Qui, le lundi autour d’un café entre collègues, ne s’est jamais senti un peu honteux de raconter son week-end pendant lequel il ne s’était absolument rien passé ?

Il m’a semblé qu’une petite pression sociale sournoise et inconsciente s’installait en moi. Il fallait être une personne entourée d’amis au style de vie similaire. Il fallait pimenter sa vie d’occupations, de sport, de sorties, de vacances, de petites aventures. A quelle identité aurait pu se raccrocher notre ego sinon? C’est pas pour rien que le mot anglais « lifestyle » a pris tant d’importance dans notre génération et est même devenu une façon de faire de l’argent. 

Mais à la fin, je ne sais plus vraiment pourquoi. Pour faire comme les autres ? Se donner une espèce de statut social ? Est-ce que c’est vraiment moi qui ai besoin de toutes ces activités ? Ou bien c’est les autres qui me font croire que j’en ai besoin ? Ai-je vraiment envie de cette vie pleine à craquer ? C’est moi tout ça ?

Le voyage m’a prouvé que oui ET non. Alors oui, je voyage pour découvrir, m’émerveiller devant la fascinante et incroyable nature, rencontrer, comprendre et connaître. Et j’adore ça ! Cela me nourrit, me permet d’évoluer comme jamais je ne l’aurais cru.
Mais j’ai aussi très souvent besoin, pendant plusieurs jours voire plusieurs mois, de ne rien faire, de me laisser aller. De lire, de m’allonger, de manger, de m’asseoir. Écouter de la musique, me laisser bercer, m’écouter. Parfois, ne parler à personne, prendre du temps pour moi. Que pour moi. Être oisive, se poser et ne rien faire me semble essentiel. Se laisser aller sans plans, sans actions est un excellent moyen de mettre en pause le flot continu de nos pensées qui nous mangent le cerveau. Un excellent moyen de vivre en totale paix.

Est-ce que finalement, ces moments privilégiés d’oisiveté, ceux qui ne génèrent aucune once de culpabilité, ceux tant décriés pas notre société qui est dans l’action constante, ne seraient pas les plus importants ? Ne serait-ce pas eux qui nous permettent de nous découvrir, de lâcher prise, d’écouter, d’observer? Se déconnecter pour se reconnecter.

Et puis, c’est prouvé hein, la pression on ne la subit pas : on la boit.

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FAIRE. FAIRE. FAIRE. AVOIR AVOIR AVOIR. VITE VITE VITE.

Pour faire écho à ce que je raconte plus haut, un autre phénomène m’a interpellé : il fallait faire et créer, oui. Mais vite.

Il y a quelques jours , je suis tombée sur une pub qui incitait au téléchargement d’une énième application « morning routines » chères à ces influenceurs Instagram. L’idée est, dès le matin, d’être mieux organisé afin d’optimiser la gestion de son temps et faire plus de choses, être plus productif, plus rapidement. Voilà, c’est génial, comme ça on se lèvera tous à 5h du matin et avant 8h, on aura le temps de faire du yoga/ d’écrire un livre/ d’aller au boulot/ monter sa boîte/ voir ses amis. Notre vie sera bien calibrée, au millimètre près. Robotisée ?

Et quand ce ne sont pas des applications, ce sont des blogueurs qui te hurlent « Regarde, j’ai 24 ans et j’ai monté ma boîte », ce sont les médias qui te montrent des vies de rêves, des aventures trépidantes, des manières de « vite perdre du poids », des façons de « vite gagner des followers », des entrepreneurs qui t’expliquent comment « vite gagner de l’argent », des sites qui te racontent comment réaliser tes rêves.

Bien sûr, toutes ces applications, ces conseils de blogueurs/influenceurs/médias, ces vidéos « DO IT » sont prodigués avec des objectifs louables : réaliser ses rêves, ne pas abandonner, ralentir, ne pas procrastiner, être moins stressé, changer de vie.

Je trouve ça génial, vraiment. Mais la manière dont c’est fait me dérange. J’ai la sensation que, sans arrêt, il faut FAIRE, avoir un projet, avoir des rêves. Et si possible, tout réaliser rapidement, ne pas « perdre de temps ». Quoi, à 30 t’as pas monté ta boîte, t’as pas levé 3 millions d’euros pour une association humanitaire, t’as pas lancé ta chaîne Youtube, t’as pas gagné 3 lions (coucou mes copains de la pub <3) ou pire, t’as pas de rêves… hé bah quoi, t’as raté ta vie? La société dans laquelle nous évoluons nous pousse sans cesse à vouloir plus, à consommer plus… et tout de suite. Pas question d’attendre. Et si on patientait un tout petit peu? Est-ce que ça n’aurait pas un peu plus de saveur?

Nous nous trouvons pleins à craquer de faux nouveaux désirs. De sentiments étranges vacillant entre l’auto flagellation, l’excitation et l’envie. Par exemple moi : j’ai réalisé mon rêve OK mais parfois je me sens nulle, je me dis que je ne sers à rien, que je ne suis pas utile, que je ne FAIS rien, que je n’ai pas de projet de ouf malade qui fera de moi quelqu’un. Mais je me raisonne toujours. Parce que merde, on a toute la vie pour se découvrir, pour trouver sa voie. Ou pas d’ailleurs. Tant qu’on est bien dans le moment présent après tout.

Je ne veux pas faire celle qui a tout compris à la vie, loin de là. J’apprends, j’expérimente. Je me trompe, je me déçois et je recommence. Je suis la première à adorer me fixer des objectifs, je ne serais pas là où je suis sinon. Je pense juste que ça serait pas mal de déculpabiliser parce que notre vie n’est pas super active, remplie d’événements hors du commun ou juste parce qu’on prend plus de temps que les autres pour se découvrir.

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Dans le camping de San Ignacio, une oasis perdue dans les montagnes de la Basse Californie, j’ai rencontré un mec super. James, je crois. Ou Harry? Un anglais quoi. Comme beaucoup en Basse Californie, il voyageait en vélo. 6 mois, seul, avec pour seuls bagages quelques vêtements, des gourdes en pagaille, des sacs résistants à la pluie et une philosophie de la vie absolument fantastique. Il avait la quarantaine, un bras atrophié suite à un accident de moto (ou de vélo? Foutue mémoire). Je me demande encore comment il était capable de tenir un guidon de vélo et de résister aux vilains « tope » du Mexique. Une force de la nature ce type. Détermination.

Nous n’avons pas parlé longtemps mais le seul sujet abordé, la patience, a inscrit cette conversation parmi les plus belles et les plus vraies que j’ai eues lors de mon voyage. Il en a fait l’éloge pendant de longues minutes suspendues, justifiant son moyen de transport, ce fameux vélo qui permet de donner au temps un nouvelle définition, un nouveau spectre. Il me raconte, m’explique, me prouve. Son histoire, ses expériences, le pourquoi, le comment, l’importance de prendre son temps, la place que l’on devrait laisser à la lenteur. Je m’accroche à chacun de ses mots. Il a raison, il a tout compris : voilà ce que je ne cesse de me répéter.

Cet échange, je ne l’oublierai jamais. J’y pense souvent et il est l’une des raisons qui m’a poussée à rédiger cet article. Je ne veux jamais oublier de ralentir. Ne pas culpabiliser quand je fais rien. Ne pas me presser, accepter les retards. Vivre pleinement le moment présent, sans me pourrir du passé, sans me presser du futur. Attendre mais ne pas avoir d’attentes. Oh j’ai encore du boulot. Je suis toujours une rapidos, stressos et tout ce qui se termine en -os. Je suis toujours impatiente. Mais je progresse, je continue de travailler là-dessus, je continue de méditer, d’observer. Bref, je patiente. Pour devenir patiente.

Et puis la manière dont je voyage m’aide énormément puisque tout est basé sur la lenteur. Je prends mon temps, je m’éternise, tant pis si je ne vois pas tout, tant pis si je ne fais pas tout. Je m’écoute. Je glande. Je visite, je découvre. Je vis au ralenti et que c’est bon.

Finalement, peut-être que je peux être les deux : rapide et lente, peut-être que les étiquettes, c’est nul.

Et pour vous, peut-être essayez de ralentir, peut-être ça vous fera du bien. Peut-être non mais croyez-moi : ça vaut vraiment le coup d’essayer !

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6 commentaires sur “Ralentir.

  1. Ton nouvel article, ma chérie, me fait l’effet d’un véritable bain de jouvence !
    Dès le début, tu as planté le décor qui nous suspend dans une ambiance de quiétude où tous les personnages semblent avoir emboité le pas d’un chat pèpère qui, en maitre de la paresse, nous transporte dans ton nouvel univers qui flotte en dehors du temps, du stress et de la course effrénée de notre société …
    Je trouve que ton écrit ressemble à une apostrophe, à une virgule ou plutôt un long point-virgule qui ponctue ton voyage comme si tu voulais ralentir son rythme, freiner ses vertus pour mieux les savourer.
    Ou bien il ressemble à une perle, une goutte d’eau pure, débarrassée de la pollution extérieure mais aussi intérieure qui nous nous nourrit et nous pourrit quotidiennement nous, pauvres sédentaires. 😊
    Dans ta quête de découverte du monde, tu vas aussi à ta propre rencontre et le voyage te le rend bien… Tu apprends à mieux te connaître, tu te bats contre que ce qui t’encombre pour sublimer les vraies valeurs de l’être humain et cela te va très bien ! ❤️
    Et dans un partage toujours aussi généreux, tu nous rappelles à nous, pauvres prisonniers du monde moderne, que le bonheur se cache dans un silence, un arrêt sur image, une simple pause où le temps qui passe n’a plus aucun intérêt.
    Mais ma chérie, si cet écrit au doux parfum de ralenti m’a séduite, j’aime aussi voir tes mains qui s’agitent plus vite que ta pensée, ta redoutable efficacité qui te transforme en mini tornade, ta démarche sûre et rapide et tes projets jamais assouvis qui bouillonnent dans ta tête. Alors, si je sais aujourd’hui que tu ne laisseras plus jamais personne t’entrainer dans les tourments de l’asservissement, je sais aussi tu sauras merveilleusement mixer paresse et énergie, rapidité et lenteur car tu en connais maintenant la recette.
    NB : Surtout, ne dis jamais que tu ne sers à rien ! Regarde le bien que nous fait à nous, ton petit fan club et à bien d’autres j’en suis sûre !! 😊
    Avec tout mon amour ❤️

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