El Paso aux USA

El Paso ou l’Hospitalité

Quand je disais aux locaux et aux voyageurs que ma prochaine destination, c’était El Paso, les regards semblaient quelque peu dubitatifs.
Mais, Grand Dieu, qu’est-ce qu’elle va foutre à El Paso, disaient les pupilles écarquillées.
Je finissais moi-même par me poser la question. C’est vrai ça : qu’est-ce que j’allais foutre à El Paso ? Pourquoi je n’allais pas à la Nouvelle Orléans ou à Austin, comme tout le monde ?
Bon, déjà, j’aime bien faire mon originale et prendre les petits chemins non empruntés. Mais la vraie raison, c’est que je dois être à Los Angeles le 8 octobre (hé ouais, j’ai RDV), que c’était sur la route et que de passer par cette petite bourgade d’un million d’habitants était beaucoup plus économique. Et je reconnais que les mots : ciel bleu, soleil, 35 degrés, désert et cactus étaient assez pour convaincre la blanche nordiste que je suis.

Ne prévoyant jamais mon itinéraire, il ne me reste parfois que très peu de temps pour trouver mon logement. C’est le cas ici. Je recherche mon Couchsurfing dans la hâte. Premier constat : les hôtes ne sont pas nombreux. Et ils sont, pour la plupart, situés à Ciudad Juarez, la ville jumelle d’El Paso. Juarez se trouve au Mexique, on la voit très nettement depuis El Paso. La ville est réputée très dangereuse, alors, même si je me méfie toujours de ce genre d’honneur, je n’ai pas trop envie de loger là-bas.
J’ai de la chance, ma seule demande reçoit une réponse positive dans l’heure qui suit. Mohammad se fait une joie de m’accueillir : « Looking forward to seeing you at amazing El Paso ». Bon bah c’est peut-être pas si pourri El Paso finalement !

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Je quitte Dallas avec une certaine joie. Pour la première fois, le bus est presque à l’heure et pour la première fois, j’arrive à m’endormir dedans. Je rêve et je bave sur ma cape de pluie qui me sert d’oreiller. Quand j’ouvre les yeux, je suis émerveillée : le paysage est sublime ! Ça y’est, je suis dans le désert du Texas, celui qu’on voit dans les films, avec des cowboys, des ranchs et des shérifs. Il y a des petits cactus partout, de légers amoncellements de sable, des montagnes dentelées qui se font transparentes et de joyeux arbustes cramoisis. Mon envie de capturer ce moment est trop forte ; je sors l’Iphone et je shoote comme une droguée. Mes photos ne ressemblent à rien mais je suis contente. Je souris bêtement. Je me retourne : tiens, le paysage du bus a changé lui aussi. Fini les rednecks de Dallas, nous sommes clairement dans une ambiance burritos et tacos ! J’ai envie de dire à Papy Tchoulo qu’il n’était pas obligé de sortir le sombrero pour m’impressionner mais je m’abstiens ; je ne parle pas espagnol.

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Mohammad ne peut pas être présent lors de mon arrivée, il est sincèrement désolé mais pas d’inquiétude, les clés sont sous le pot (il m’envoie même une petite photo du pot avec une flèche pour m’indiquer l’emplacement de la clé. Trop mignon). Il me précise que je peux me servir dans le frigo, dans les placards… Bref, que je suis ici chez moi. Je suis subjuguée devant tant d’hospitalité et de confiance.

J’ouvre la porte. Surprise, une femme est à l’intérieur. A ce moment, je n’ai pas encore idée de l’importance qu’elle aura dans mon séjour à El Paso. Elle se présente, elle est Rosa, la petite amie de Mohammad. Elle doit partir travailler bientôt, elle m’a laissée un adorable petit mot mais avant tout… est-ce que j’ai faim ?! Voilà sa priorité. J’ai faim, évidemment. Elle m’emmène dans le meilleur café du coin (littéralement) pour prendre le petit déjeuner. J’entre et c’est l’un de mes morceaux préférés de Belle & Sebastian qui arrive jusqu’à mes oreilles. Délice. El Paso sait m’accueillir, il n’y a aucun doute !
Après trois cafés qui me réveillent un peu, retour à la casa. Rosa doit filer et je la sens terriblement honteuse de m’abandonner : « If you want, I can call my friends to spend time with you ». Si mignonne. Je la rassure, franchement ça va, ça fait plus d’un mois que je suis seule, tout va bien se passer !
Mon hôte ne rentre qu’à 18h, j’en profite pour m’adonner à mon activité favorite : boire de la bière. Je l’apprécie tout particulièrement quand le sommeil manque et que le soleil tape. Cette légère ivresse me donne l’énergie et l’inspiration pour finaliser mon article sur la peur. Je sympathise avec l’adorable serveuse et je me dis que définitivement, je suis la plus heureuse des femmes.

Vers 19h, je rencontre enfin Mohammad ! Il est comme je me le représentais : adorable, petit, timide et incroyablement accueillant. Mohammad a 30 ans, il est Perse et a eu la « chance » de faire partie des meilleurs étudiants de sa promotion, en Iran. Il a donc été envoyé aux USA pour réaliser son PhD. Il vit à El Paso depuis maintenant 2 ans ; il ne lui reste qu’une année d’études. S’il aime beaucoup El Paso, ça n’est pas tant pour ses activités et monuments. Non, c’est pour l’incroyable gentillesse et accueil des locaux. Je vais vite comprendre de quoi il parle.
Nous discutons de Rosa et il m’apprend qu’ils ne sont ensemble que depuis une semaine. Il me confesse, avec un petit rire mi gêné mi moqueur, que « yes, it’s going a little bit fast ». Je ne peux m’empêcher de porter mon regard sur le cadre diamanté qui arbore fièrement une photo de Rosa. Mohammad me sourit et me dit que bon oui, elle s’est un peu enflammée et a (légèrement) envahi son appartement (il y a quand même trois cadres).

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Il me présente ensuite mon couchage : un canapé rouge vif dans lequel je rêve de m’écrouler. Petite particularité : l’appartement est très petit, il n’y a pas de chambres ; je dormirai donc face à son lit. Étrange mais, encore une fois, je ne fais pas la fine bouche.
Assez discuté, Mohammad doit à nouveau me quitter, il a un travail de groupe à terminer et doit donc se rendre chez son ami. Ça me rappelle des mauvais souvenirs d’école de commerce. Mon Dieu, il y a des époques qu’on aime avoir derrière soi.
Avant de prendre la route, Mohammad me prépare un dîner délicieux. Juste pour moi. Parce qu’il sait que la route a été longue et que je suis fatiguée.

Le lendemain, Rosa vient me chercher pour le petit déjeuner (oui, ma vie est rythmée par la bouffe). Je commence à aimer ce petit rituel. Café noir, ma vie. Je me régale. Elle me dépose ensuite dans le centre-ville que je visite avec joie et lunettes de soleil. Enfin des rues dans lesquelles il est agréable de marcher et enfin des gens qui marchent dans les rues ! Il fait chaud, c’est le désert. Je goutte. Je me perds dans les rues, comme j’aime tant le faire. De la musique chicanos sort de toutes les maisons, les restaurants vendent principalement des burritos, les panneaux sont en espagnols et les visages plutôt typés mexicains. Visages d’ailleurs très souriants qui me réconfortent après la si froide et effrayante ville de Dallas. Les locaux viennent naturellement me parler et s’étonnent grandement de ma présence ici. Pas de doutes, nous sommes proches du Mexique.

DSCF8046DSCF8018DSCF8116DSCF8025El Paso lifeLa nuit tombée, je me blottis dans le sofa et m’évanouis de fatigue. À mon réveil, douceur, Mohammad prépare des pancakes. Quand je me retourne, j’aperçois Rosa dans le lit face à moi, qui sommeille encore. Tiens, elle a dormi ici. Cette proximité qui je trouvais étrange me paraît soudainement normale voire agréable.
Tous les trois, nous engloutissons les pancakes cramés de Mohammad et je m’émeus secrètement de leurs regards complices et amusés. Rosa s’enquière rapidement de connaître mon programme du jour. J’avoue à mi-mot que j’aimerais passer du temps avec eux et me promener dans la nature, mais ils m’annoncent qu’ils ont un mariage. Qu’à cela ne tienne ! Rosa contacte l’intégralité de son répertoire, remue ciel et terre pour me trouver un guide véhiculé. Elle sait que j’ai envie d’aller voir les montagnes ainsi que les jolies vues d’El Paso ; elle n’hésite donc pas à préciser à ses potes qu’il faut AB-SO-LU-MENT m’emmener dans les hauteurs. Je suis presque gênée, j’ai envie de lui dire que vraiment, il n’y pas de souci, je vais me débrouiller mais il est tout simplement impossible de la détourner de son objectif. Et son objectif ; elle l’atteint. Elle finit par me dégoter un pote de pote de pote qui me servira d’ami, de guide, de travel buddy pour la journée. Elle ne le connaît pas mais elle fait confiance à son pote, celui du premier degré. Faut suivre.

Mais le pote du pote du pote n’est pas disponible tout de suite. Du coup, elle m’emmène dans ses plans. Je ne comprends pas exactement de quoi il en ressort mais je la suis et je grimpe dans la voiture.
On passe prendre son fils et son amie, direction le plus grand centre commercial d’El Paso.
Sur la route, Rosa me demande si je suis partante pour une petite virée au Nouveau Mexique dimanche : c’est la première fois que Sam rencontrera Mohammad et elle est un peu stressée, ça la rassurerait que je sois là. Evidemment que je suis partante, quelle question.
Nous arrivons à destination. Je commence à comprendre l’histoire : Rosa doit se faire maquiller et coiffer en vue de son mariage. Elle a donné RDV au pote du pote du pote (nous l’appellerons Rob. Je spoile : je ne verrai jamais vu la couleur de ce bon vieux Rob) dans ce même centre commercial. Afin de patienter, Rosa a donné 20 dollars à son fils et à sa copine pour me faire visiter le mall. Et ils prennent leur tâche très au sérieux !

« Donc voilà, ici se trouvent les sorties »
« Alors, ça c’est Forever 21, très cher mais très bonne qualité »
« Un magasin de chaussures »
« Un autre magasin de chaussures »
« Alors, ça c’est les bonbons Souffle Du Dragon, tu veux essayer ? »
« Bon ça, c’est un magasin un peu cheap »
« Alors ça, c’est le meilleur magasin de literie, c’est vraiment super »

Face à tant de mignonnerie, je joue évidemment le jeu et me mets dans la peau de celle qui n’a jamais rien vu de tel.
On retrouve Rosa deux heures plus tard, c’est que ça prend du temps cette mise en beauté. Oh mon Dieu Rosa, qu’as-tu fait ? Level 10 de la voiture volée. Malgré ce maquillage indécent, sous ses 8 couches de fond de teint et son outrageuse ombre à paupières bleue ciel, elle reste pleine de charme et de malice. Que veux-tu, je l’adore !
Rosa m’informe que Rob est coincé à la frontière mexicaine mais que tout est sous contrôle, il est on his way. En attendant, Rosa a, comme d’habitude, un plan : elle vient d’être invitée aux un an de la fille de son amie, allons-y ! Je vois l’heure qui tourne et je me demande à quel moment elle compte aller à son mariage. Je ne comprendrai que plus tard qu’elle a zappé la moitié de son mariage pour moi. Pour ne pas me laisser seule, pour me faire découvrir le « real El Paso ». Je n’ai pas les mots.

Nous arrivons à l’anniversaire et sommes accueillis à base de bonbons et de bières mexicaines ! « Welcome to little Mexico » scande l’un des invités quand il comprend que je suis une petite touriste Française. Des gosses adorables courent partout, une musique vaguement mexicana gueule depuis les enceintes bon marché, une pinata attend sagement d’être éventrée et un papy arbore son plus beau sombrero en faisant griller les piments fourrés au fromage.
Je me sens si bien, je voudrais que ce moment ne s’arrête jamais.

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El Paso
Les sales gosses

IMG-4948Quand soudain, l’air inquiet, Rosa m’interpelle. Rob ne peut plus venir ; il est toujours coincé au Mexique apparemment. Je n’ai même pas le temps de la rassurer et de lui affirmer que ça n’est vraiment pas grave, Rosa est déjà affairée à me trouver quelqu’un d’autre au sein même de l’anniversaire. Oui, ces montagnes, je les verrai ! A peine 5 minutes plus tard, elle m’annonce qu’elle doit s’en aller mais son amie Cecilia ici présente, m’emmènera avec plaisir dans les montagnes admirer le coucher de soleil. Cecilia est adorable, comme tout le monde ici. Mexicaine de naissance, elle vit à El Paso depuis maintenant plus de 15 ans. Elle vient d’accoucher de son troisième et, c’est juré, dernier enfant. Nous passerons plus de 4h toutes les deux, dans sa voiture, à admirer le relief si particulier qui entoure El Paso, à parler de l’éducation, de l’adolescence, du voyage, des différences entre le Mexique et les States, de Trump, de l’amour et de la mort. Cette personne que je ne connaissais pas 6h auparavant, a accepté d’interrompre sa soirée pour embarquer une parfaite inconnue à travers les trésors cachés d’El Paso.

El Paso aux USA

Dernière journée.
J’assiste donc à la rencontre Mohammad entre Sam, le fils de Rosa. Ce dernier ne détache pas le regard de son Iphone… Comme les ados peuvent être ingrats ! La gêne qui règne entre eux est palpable, d’autant plus que Mohammad est une personne réservée, d’un genre plutôt timide. Rosa n’a pas présenté Mohammad comme étant son petit ami ; non, il est juste un nouvel ami sorti de nul part. Je pense que Rosa imagine son fils pour plus bête et innocent qu’il ne l’est. Mais je me targuerais bien de lui faire remarquer.
Nous passons malgré tout une journée délicieuse au Sierra Blanca Peak. Je me prélasse au bord du lac et profite de la si belle nature qui m’avait manqué. Les gosses mangent glace sur glace et s’amusent aux arcades. Ces ados m’avaient déjà fait craquer lors de la visite guidée du mall mais ils finissent de m’achever lorsqu’ils m’offrent leur unique butin : une petite peluche Fantôme. Et même s’il prend un peu de place dans mon sac, je n’ai toujours pas eu le cœur de m’en séparer.

Un coucher de soleil époustouflant dans le parc national des White Sands vient clôturer cette improbable escapade.

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