La peur

Afraid for what !

Environ 99% de nos peurs sont infondées, irrationnelles et la plupart du temps, très connes. Je ne sais pas d’où je sors ça mais je le sais, c’est tout.

Elles viennent parfois de ce qu’on a vécu, parfois de notre éducation ou de nos traumatismes et … bien souvent des médias. Je suis d’ailleurs assez d’accord avec le premier chapitre du bouquin « L’art d’être libre dans un monde absurde », de Tom Hodgkinson. Il tente d’analyser et de comprendre l’ANGOISSE, ce mal du 21ème siècle, qui nous affecte tous, soyons honnêtes. Son constat ? La télé nous abreuve d’horreurs, les journaux ne mettent en exergue que les atroces faits divers, les magazines nous mentent et l’Internet nous floue. Vaste programme.
L’objectif de tous ces vilains médias ? Nous faire peur. Pour rester à la maison. Pour ne plus prendre aucun risque. Pour regarder encore et encore les publicités. Pour consommer. Pour alimenter cette société capitaliste qui a atteint son paroxysme. Toujours plus.
Son conseil ? Que tous les humains ici présents sur Terre foutent leur télé à la poubelle.
Je vulgarise grossièrement hein, c’est volontaire. Son essai est bien entendu plus intelligent, plus édulcoré, nuancé et malin.
Je vous conseille d’ailleurs vivement cet ouvrage qui, malgré quelques passages un peu fantasques et anarchiques (ce qui n’est pas forcément pour me déplaire), apporte une réflexion sur des sujets qui sont, selon moi, essentiels. J’ai relevé la tête avec une vision de la consommation notamment, profondément bouleversée.
Bref, je m’égare.

Tout ça pour dire que je dois bien reconnaître que le dégueulis d’informations dont on nous gave chaque jour ne nous aide pas à chasser nos peurs et nos angoisses. Rares sont les articles positifs, bienveillants et rassurants.

Voilà pour mon intro un peu longue.

Voici pour le commencement de mon article :

Contrairement à ma mère (que j’aime de tout mon cœur) qui a peur d’à peu près tout, je n’ai jamais vraiment eu peur de quoi que ce soit. A mes yeux, la vie semblait sans dangers, les humains ma foi plutôt sympathiques et puis franchement de quoi aurais-je bien pu avoir peur sinon de tomber dans les affres de la routine et de l’ennui ? Il n’y a pas un endroit dans lequel je me sens plus en sécurité que dans un avion. J’aime la solitude, j’aime parler aux étrangers. Je suis toujours la première à prôner le si précieux (et instagrammable) conseil « sors de ta zone de confort ». J’adore l’altitude, les orages bruyants, les chemins esquintés, parler fort, marcher seule, me perdre dans la forêt. Je me fous des endroits sales, de la bouffe périmée ou tombée par terre. Prendre des risques, m’échapper des sentiers communément empruntés, me sentir comme une aventurière, une exploratrice… C’est moi.
Alors oui, évidemment, j’avais quelques peurs parce que je n’avais pas vraiment confiance en moi et parce que je reste une Marion angoissée. J’avais peur de redoubler, de ne jamais trouver de métier ou de mec. Ha, et un peu peur des chiens et beaucoup des araignées.

Puis un jour, j’ai commencé à avoir peur d’un truc. Un truc plus sérieux que rater mon Bac. J’ai commencé à avoir peur du viol.

J’ai commencé à avoir peur que des mecs dans la rue ou dans la vie, prennent l’interdite décision que mon corps ne comptait pas, que mon corps pouvait leur appartenir, que mon corps pouvait être souillé, apeuré et à jamais abîmé. J’ai commencé à avoir tellement peur des voitures qui ralentissent à côté de moi.

Dallas streets

Parce qu’un jour, à Paris, des mecs m’ont suivie en voiture. Après des interpellations absolument adorables auxquelles je suis restée indifférente, ils m’ont gentiment sommée de « monter dans leur bagnole sale pute ». Ils se sont garés, ont couru derrière moi. Ils voulaient me violer.
Je ne vais pas vous raconter l’histoire en détails parce que, l’idée de l’article, ça n’est pas de vous faire un #MeToo (et puis je suis fatiguée de raconter cette histoire). Je m’en suis sortie absolument saine et sauve, sans une égratignure. Donc tout va bien.

Mais cet évènement a changé beaucoup de choses et m’a profondément affectée. Moi qui me sentais profondément invincible, voilà que j’étais finalement… vulnérable !
Pourtant, je m’étais déjà faite agresser. Un mec, 6 mois plus tôt, m’avait plaquée contre un mur, brandissant un verre Coca Cola brisé. Il a pris tout ce que j’avais (soit : un portable coulissant et un porte-monnaie vide, pas de bol pour lui). Je me souviens avoir beaucoup pleuré (pourtant, je n’ai pas la larme facile, LOL) et m’être dit « bon, ça va, il ne m’a pas violée ». Vis ma vie de femme.
En revanche, psychologiquement, c’est la deuxième agression qui a été violente. Je me souviendrai toujours du regard de ces deux mecs. Ce genre de regard qui te glace le sang, celui dans lequel tu vois toute l’horreur humaine. Celui qui ne laisse pas le doute quant à l’intention.

J’ai mis beaucoup de temps avant d’en parler à mes parents. Je ne voulais pas qu’ils s’inquiètent, qu’ils voient Paris comme une terrible et sombre ville dans laquelle le vice se cacherait à chaque coin de rue. Quand mon père (que j’aime de tout mon cœur) l’a su, il m’a demandé de mettre un jogging dans mon sac à chaque fois que je sortais en club, dans un bar, dans la rue tard le soir. Je pense que j’avais dit oui pour avoir la paix. Mais je ne l’ai jamais fait. Alors quoi ? Je ne pouvais plus exhiber mes grandes jambes que j’aime tant ? C’était donc un motif d’agression ? Ou, en tout cas, une invitation à l’agression ? C’était quoi ce bordel ? Je me souviens avoir été incroyablement confuse. Mais il y a une chose dont j’étais certaine : je ne céderai pas à la peur. Pas moi. Je ne laisserai pas une bande de connards dicter les lois de la rue, se donner la permission d’effrayer, d’agresser et de violer les femmes, qu’elles portent un short sexy ou un baggy des années 80.
(Je crois que c’est à moment-là que je me suis sentie féministe. Même si je n’avais pas le mot, à l’époque.)

Peur de voyager

Surtout que je prévoyais de partir en voyage seule. Et je comptais bien fermer le clapet (vous ne rêvez pas, je viens bien d’employer l’expression « fermer son clapet ») à tous ceux qui me disaient que c’était dangereux voire inconscient pour une femme de voyager seule. D’une, je vais vous prouver que le monde n’est pas si dangereux qu’on le prétend, de deux, qu’être doté d’un vagin ne change rien à l’histoire.

POURTANT. Ça serait de vous mentir, de me mentir d’affirmer que je n’ai pas peur, que je n’ai plus peur.

Il y a quelques jours, je marchais dans les rues de Dallas ; j’avais pour intention d’aller bouquiner dans un parc, au nord de la ville.

Le problème à Dallas (et dans toutes les grandes villes Américaines d’ailleurs), c’est que les transports en commun sont pourris. La plupart des Américains sont des grosses feignasses, ils ne marchent pas plus de 5 minutes par jour et font tout en voiture. Donc, concrètement, quand t’as pas de caisse, c’est compliqué. Les routes ne sont absolument pas pensées pour les piétons et les distances sont atrocement longues. Mais moi, j’aime marcher et j’ai de bonnes jambes. Alors quand GoogleMap m’affiche 2h30 de marche, ça ne me fait pas peur. Tant pis pour les mignonnes ruelles aménagées dont je rêve tant.

Dallas life

Que faire à Dallas

Bref. L’album de Jazzy Bazz tournait en boucle dans mes oreilles, la gourde était remplie, le tatouage protégé (pour lequel, by the way, j’ai des compliments CHAQUE jour) et l’Iphone toujours pas déchargé. Tout roulait parfaitement. Au bout de 45 minutes de marche, la route devient clairement désagréable. De grandes avenues, sans aucun intérêt ni coin d’ombre ni personne ni un chat ni rien en fait. J’ai chaud et j’en ai marre. J’hésite à changer d’itinéraire mais je n’ai pas trop d’idées et puis, je ne suis plus très loin de l’arrivée. Continuons.

Soudainement, une voiture ralentit, le conducteur baisse son carreau (sa vitre, pardon. Habitude de Ch’ti).
Le pire.
N’importe qui peut faire ça, mon père, mon mec, mon pote, ma sœur, la réaction est instantanée ; j’ai les jambes qui flageolent. Je pense qu’on appelle ça un traumatisme.
Le mec au volant est tout simplement horrible. Gras du bide, coupe mulet, clope au bec, T-shirt taché. Sans déconner, on aurait dit Marc Dutroux. Ou bien l’affreux personnage du film « Boulevard de la Mort ». Au-delà de son faciès, c’est son attitude me terrorise.
Dallas, son univers putain d’impitoyable.

Il m’adresse la parole, je n’enlève pas mes écouteurs et je lui fais clairement comprendre que je ne veux pas communiquer avec lui. Il continue sa route. Je m’arrête. Mon cœur bat plus vite. Je respire mais je sens bien que la peur commence à s’emparer de moi. Et s’il m’attendait au coin la rue ? Je me calme et fais ce stupide mais efficace exercice mental : Je suis Marion Leprêtre, j’ai un Pepper Spray dans mon sac et Marion Leprêtre n’a peur de rien ni personne. Surtout pas d’un connard pervers.
Je reprends ma route.
Il m’attendait au coin de la rue. Il baisse à sa nouveau sa vitre et me demande dans un anglais étrangement limpide pour un mec du Sud « Hey Sweetheart, do you need a ride ? Do you need money ? You wanna get into my car ? ». Putain ça devient une habitude cette histoire de bagnole ! Je lui réponds agressivement que ça va thank you, I’m good.
Mais cette fois-ci, les jambes ne flageolent plus, elles sont en coton. Mon cœur bat à 3000. J’ai envie de pleurer. J’ai envie de me blottir dans les bras de quelqu’un de gentil.
Je ne peux pas continuer ma route. J’en suis incapable. J’ai envie de sauter dans la première voiture qui arrive pour m’enfuir. Je veux devenir invisible.

J’AI PEUR putain, J’AI PEUR. J’ai peur qu’il fasse demi-tour, qu’il se gare, qu’il sorte de sa voiture et qu’il me viole.
Rien de tout cela ne se passe, évidemment. J’imagine qu’il tentait juste sa chance pour une petite pipe. Ai-je donc l’air d’une pute ? Passons.

Je rebrousse donc chemin, je respire et je compte jusqu’à 5.
Vous allez rire mais je me souviens d’un seul épisode de Grey’s Anatomy. C’est un épisode dans lequel un personnage à la con demande au Dr Shepard comment il fait pour ne pas avoir peur avant une opération délicate. Le Dr Shepard répond qu’il compte jusqu’à 5 et qu’à ce moment précis, il se répète mentalement « je n’ai plus peur ».
J’y repense très souvent et franchement ? ça marche pas mal. Bon, c’est pas non plus le meilleur tricks de l’univers, j’en conviens.

Mais merde, on fait quoi quand, un jour, on a décidé que plus jamais on aurait peur mais que soudainement, sans prévenir, la peur est là, envahissante comme jamais ?

Peur de voyager

Cette histoire peut paraître un poil exagérée. Il n’y avait aucune réelle raison d’être effrayée : ce gros lard n’est pas sorti de sa voiture, il n’a rien essayé, ne m’a pas insultée. Juste un pauvre mec lassé de la branlette. Il m’a juste adressé la parole, finalement.

Mais voilà, c’est ma peur à moi.
Et NON, cette peur n’aura pas raison de moi. Toujours pas. Bien tenté.

J’ai rencontré une fille, à Nashville, qui ne veut plus voyager hors des USA. Il y a quelques années, elle est partie en voyage de classe au Mexique, dans une ville plutôt sécure. Il me semble qu’elle logeait avec une camarade dans un appart’ ou une maison mexicaine (j’étais un peu crevée quand elle m’a racontée son histoire… Vous connaissez mes capacités de concentration). Elles ont bu un verre, le soir puis sont rentrées. Un groupe de mec les ont suivies et une fois les filles à l’intérieur, ont tenté de défoncer la porte de leur logement. Ça a duré très longtemps, ils hurlaient des obscénités et continuaient de frapper comme des possédés. La porte n’a jamais cédé. Mais imaginez le choc pour des gamines de 16 ans qui voyagent hors des States pour la toute première fois (et Dieu sait que c’est rare pour les Américains) ! La triste fin de l’histoire, c’est que cette fille a laissé la peur se faire une place douillette en elle.

Et des anecdotes comme celles-ci, j’en ai plein (exemple : la grosse Américaine que j’ai rencontrée à Détroit et qui Grand Dieu, ne mettra jamais les pieds en France car « ha non, c’est plein de terroristes là-bas, c’est vraiment pas safe ». And it’s A NO GO ZONE. Sans commentaires).

Mais moi, je ne laisserai pas la peur gagner.
Je continuerai de porter mon mini short car je l’adore, que je me trouve jolie dedans et surtout qu’il fait très chaud.
Je continuerai de me promener seule, je continuerai de voyager seule.
Je continuerai de me battre contre les violences sexuelles, je continuerai d’ouvrir ma gueule pour que les femmes n’aient plus peur dans le noir (#IAM).
Je continuerai bien sûr d’être prudente et de voyager intelligemment. Faut pas être stupide non plus.
Et oui, j’aurai encore le cœur qui s’emballe comme jamais si une voiture ralentit à côté de moi, mais tant pis.

Le voyage, chaque jour, me prouve que les humains sont, comme je le pensais, des êtres plutôt incroyables. Je suis convaincue qu’il existe davantage de bienveillance, d’amour, de partage, d’entraide et d’espoir que ce que l’on veut bien nous montrer. Et finalement, ce sont ces choses-là que je veux partager à travers ce blog. Je sais comme il est difficile de lutter avec ses peurs mais je sais surtout à quel point c’est bon de leur dire FUCK.

Et puis, comme mon cher père dit toujours : « la peur n’évite pas le danger ». Je vous laisse méditer là-dessus.

VIVEZ AVEC VOS PEURS, DEPASSEZ-LES MAIS NE LES FUYEZ PAS.

8 commentaires sur “Afraid for what !

  1. Un très bel article qui me va comme un gant 😉. Tu sais de quoi je parle !!😉
    J’espère qu’un jour je dompterai ma peur aussi bien que toi !
    Ton article pourrait être un début de thérapie 😊😊

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  2. Tu oublies une histoire le « voisin de derrière de pervers pépère qui nous observait en jumelles depuis l’école d’en face ». Déjà lui, s’était arrêté en voiture à côté de toi et déjà toi, à 10 ans, tu avais pris ton courage à deux mains, pourtant si peu sûre de toi, pour lengueler de toutes tes forces et lui dire de « nous laisser tranquille toi et ta sœur à partir de maintenant ! ».
    Tu as toujours été celle que tu es aujourd’hui ❤️

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  3. Coucou ma poulette, je peux enfin te laisser un commentaire !
    Ce génialissime article, j’ai très envie de le faire lire à Agathe tellement il me semble essentiel que toute gamine puisse entendre ce message… Sauf que un peu trash ! Pourrais-tu en faire une version pour les moins de 12 ans. Le tout en gardant la légèreté de ta plume stp ?!
    Sans rire, j’adhère tellement au message. Et ta grande aventure ne manquera pas d’être un modèle pour Agathe afin de construire son identité de femme forte, indépendante et déterminée.
    Bravo et merci !
    Mille bisous

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